On va parler en premier de l’histoire. On sort enfin de l’enceinte de Chicago pour apprendre ce qu’il se passe au-dehors. Et je ne m’attendais pas du tout à ce qu’a mis en place l’auteure donc c’est super sympa. On découvre une thématique assez complexe, presque un nouveau livre. La raison d’être des divergents, leur nature, plein de petites choses sont intelligemment expliqué ou rectifié (je trouvais un peu gros que Tris et Quatre soit divergents par exemple, et ce n’est pas si simple en fait). Il y a une vraie piste de réflexion sur le débat – qui date, on le trouve déjà au XIXe dans la littérature sur le « gêne de l’alcoolisme » – entre l’inné et l’acquis. Tout cet aspect-là sans révolutionner le monde est bien amené pour un public adolescent j’ai trouvé ça vraiment bien. Elle complexifie beaucoup sa trame de départ et on ne peut que le saluer.
Là où le bât blesse, la narration en double point de vue. Soit ça ne se justifie pas (dernier tome de Twilight) soit on devine dès le départ la raison : à un moment donné Tris ne pourra forcément plus être narratrice. Il reste à savoir pourquoi et comment. J’ai eu l’impression d’être spoiler par l’auteur elle-même c’est un peu fou quand même ! J’étais vraiment en colère par parce que ça sous-entendait sur l’évolution possible du roman (je ne confirme rien je vous laisse lire ça de vous-même), car à la limite, peu importe. Par contre, me gâcher la surprise enlève toute l’émotion, toute l’envie de tourner les pages. J’étais furax l’auteur n’avait qu’à faire ce choix dans le roman au moment où il ne serait plus possible de faire autrement, pas dès le départ !! Grrrrrrrrrrrh ! Je suis encore énervée, en clair alors que le choix que fait l’auteur par ailleurs m’a semblé incroyablement courageux et audacieux (sans mauvais jeux de mot) que de ce côté-là, j’étais contente.
Contre coup de ce mauvais choix : on découvre Quatre et j’ai adoré. Le personnage est plein de faiblesses, de tendresse et de doutes. Il est nuancé et on aurait adoré le comprendre ainsi dès le départ. Je lirais sans hésiter le tome compagnon centré sur Quatre. Par contre, pour les besoins de l’histoire on se retrouve avec un Quatre qui fait des erreurs de jugement grossières après avoir fait preuve d’une clairvoyance sans faille au début. C’est peu gros, dommage que ça ne soit pas plus nuancé.
Tris aussi est une bonne surprise. Elle redevient attachante elle évolue et se rend compte de ses failles, ce qui la grandit. Elle aime, elle tremble pour son entourage et apprend à pardonner. Son personnage assez brut de décoffrage se teinte de nuances vraiment intéressantes c’était passionnant à suivre. Dans le deux je rageais un peu de la trouver si butée, si incapable de se mettre à la place des autres, dans le trois tout cela saute et Tris réfléchis beaucoup sans que ça en devienne trop pesant. Ce personnage aura subi une grande évolution dont je suis ravie. On voit un peu plus Caleb aussi qui reste à mon sens un des persos les plus intéressants avec Peter ( bien plus que Jeanine ou Marcus, trop manichéens, là on a des « méchants » humains). On en apprend plus sur le passé de la mère de Tris et j’en suis venue à me demander si l’auteur n’aurait pas aimé développer son histoire dans un livre.
Bref, un livre intéressant et qui finit la saga presque en beauté. L’histoire des points de vue fait perdre un point entier de notation, car c’est une vraie bêtise à mon sens. Sans ça, j’aurais facilement pu le mettre à nouveau coup de cœur et passer par-dessus les défauts, les moments du récit qui patinent un peu ou certaines facilités scénaristiques.
TRIS
SES PAROLES résonnent dans ma tête tandis que j'arpente ma cellule au siège des Érudits : «Je m'appelle désormais Edith Prior. Et il y a beaucoup de choses que je serai heureuse d'oublier.»
- Et tu es sûre que tu ne l'as jamais vue ? Même en photo ? me demande Christina.
Sa jambe blessée est posée sur un oreiller. Elle a reçu une balle au cours du coup de force qui nous a permis de diffuser publiquement la vidéo d'Edith Prior. Nous n'avions pas la moindre idée de ce qu'elle contenait, ni qu'elle allait saper les fondations sur lesquelles reposaient nos vies, à savoir les factions, nos identités.
- C'est peut-être une de tes grand-mères ? Une tante ? Un truc comme ça ?
- Puisque je te dis que non, répliqué-je. Prior est - était - le nom de mon père ; elle serait forcément de sa famille. Mais à ma connaissance, c'était tous des Érudits. Et Édith est un prénom altruiste. Alors...
- Alors ça doit être plus ancien, suggère Cara.
À cet instant, c'est fou ce qu'elle ressemble à son frère. Will, mon ami. Celui que j'ai tué. Puis elle se redresse et le fantôme de Will s'évanouit.
- Il faut sûrement remonter à plusieurs générations. Ce serait une de tes ancêtres, quoi.
«Ancêtre». Le mot m'évoque quelque chose de décrépit, comme de la brique qui s'effrite. Je pose ma main sur le mur de la cellule. Il est froid.
Mon ancêtre... Et voilà l'héritage qu'elle m'a transmis : la liberté de vivre en dehors des factions. La découverte que mon identité de Divergente est plus importante que je n'aurais jamais pu l'imaginer. Le fait même que j'existe est un signal. Nous devons quitter cette ville et aller offrir notre aide à ceux qui vivent à l'extérieur.
- Je veux savoir, reprend Cara en se passant une main sur le visage. J'ai besoin de savoir depuis combien de temps on est là ! Tu peux arrêter de tourner en rond une minute ?
Je m'immobilise au milieu de la cellule et je la regarde, un peu surprise par le ton de sa voix.
- Excuse-moi, marmonne-t-elle.
- C'est bon, intervient Christina. Je ne sais pas depuis quand on est enfermées ici mais ça fait bien trop longtemps.
(...)